La réponse a toujours été : en l'absence d'approbation des comptes, les sommes qui y sont visées ne sont pas exigibles.
Le syndic ne peut donc engager de procédure en recouvrement contre personne.
Vous avez parfaitement raison d'entamer ce type de mouvement de résistance, encore qu'il vous faudra faire régner à l'amiable une certaine discipline entre voisins afin de ne pas mettre en difficulté la trésorerie de votre syndicat.
Car le problème que vous soulevez est général, et engendre un contentieux de plus en plus important (en volume, pas en montant).
L'art. 10-1 de la loi de 1965, dans sa dernière rédaction, dispose en effet : "(…) sont imputables au seul copropriétaire concerné : a) Les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ; (…)Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige."
La jurisprudence s'est interrogée sur la notion de "frais nécessaires". Car certains syndics peu scrupuleux ont fait du recouvrement de créance un fond de commerce, profitant sans vergogne de la situation débitrice de certains copropriétaires pour leur imputer des frais de relance, puis de mise en demeure, puis d'huissier, puis d'avocat, puis d'inscription de sûreté hypothécaire, avec d'autant plus d'aisance que ces frais étaient directement imputés sur le débiteur, et que le conseil syndical se montrait donc particulièrement indulgent, pour ne pas dire indifférent.
Avec cet effet désastreux qu'une dette initialement faible pouvait doubler, tripler ou plus, du simple effet de l'imputation de ces frais opérés sans aucun contrôle de qui que ce soit. Le texte n'impose pas, en effet, de tenter un recouvrement amiable, ni même de proportionner l'action envisagée au montant de la créance.
La jurisprudence (surtout la Cour d'appel de Paris) s'est donc montrée de plus en plus restrictive sur la notion de "frais nécessaires", au point d'édicter que seuls les frais relatifs aux ventes forcées sont imputables au copropriétaire débiteur, le reste consistant en de la gestion courante, et relevant des charges communes (sauf décision contraire du juge à l'occasion d'un procès).
Mais le syndics ont toujours une parade d'avance, la dernière en date consistant à détailler ces frais dans leur contrat de syndic, afin de faire taire les contestations. Sont souvent mentionnés les frais recouvrables sur le copropriétaire à titre individuel, ainsi que leur montant. On voit donc fleurir des références exotiques comme les "frais de transmission à avocat", régulièrement cassées par les tribunaux.
Ces clauses sont illicites et aucun juge ne se sent tenu de les suivre, mais l'illusion est efficace et tant qu'un copropriétaire débiteur n'a pas confié son dossier à un juriste, il croit souvent être redevable de ce type de sommes.
Et les syndics y gagnent gros.
Dans son ancienne rédaction, l'art. 10-1 n'ouvrait pas cette faculté d'abus, avec pour effet secondaire que les syndics, contraints de se rémunérer au forfait et de tirer les prix (concurrence oblige) ne manifestaient souvent aucun enthousiasme à poursuivre en recouvrement des copropriétaires (électeurs potentiels de surcroît) alors que leur prestation, incluse dans les tâches de gestion courante, ne se traduisait pas par un supplément de rémunération. Désormais le législateur a choisi de pénaliser le copropriétaire débiteur, mais avec un autre effet secondaire: certains syndics gagnent à poursuivre à outrance les débiteurs, ce qui se traduit par une inflation démesurée de leur dette.
Et comme je l'ai indiqué, la rédaction ambiguë du nouvel art. 10-1, combinée à la puissance des moyens de droit mis au service du syndic pour recouvrer ses créances, débouche parfois sur des comportements qui avoisinent l'abus de droit.
Les tribunaux sanctionneront-ils les syndics qui ont la gachette trop facile ? Il faut attendre qu'une décision d'une instance importante voit le jour.
Réponse apportée par Maître Serge DIEBOLT.
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